Politesse et élégance à la française : 5 astuces qui font toute la différence
Molière de Paris à Versailles : une royale audace
Après Jules Verne et la Somme, Marcel Pagnol et la Provence marseillaise, allons à Paris, ville clé d’un
certain Jean Baptiste Poquelin, alias Molière, considéré comme le plus célèbre auteur de théâtre
français.
Dramaturge, metteur en scène et comédien préféré du roi Louis XIV, Molière a (paradoxalement)
participé par son œuvre flamboyante à « l’univers de marque » artistique, marketing et politique
créé par le Roi-Soleil pour fédérer l’élite de son peuple et imposer la « civilisation française » comme
la plus rayonnante d’Europe.
Que pouvez-vous encore voir de Molière en France 400 ans après ?
Partons à Paris et à Versailles…


- On dit que les Anglais ont Shakespeare et les Français Molière
Ce n’est pas tout à fait exact, car le théâtre classique français au XVIIème siècle se targue d’une trinité de dramaturges qui comprend Racine, Corneille et Molière, des auteurs sacrés que les Français étudient toujours au collège et au lycée.
C’est dans le quartier situé entre le Louvre, les Halles et le Palais-Royal qu’a vécu Molière.
Si Jules Verne est né à Nantes, Marcel Pagnol sur la route d’Aubagne, Molière, lui, est né en 1622 à Paris, dans une maison appelée le Pavillon des Singes. Il y a vécu de 1622 à 1634. La maison s’appelait ainsi en raison d’un poteau représentant un arbre plein de singes cueillant des fruits. Hélas, la maison fut démolie en 1802. Elle se trouvait à l’actuel numéro 96 de la rue Saint-Honoré, au croisement avec la rue Sauval, près des Halles.
On a longtemps cru que Molière était né au 31 rue du Pont-Neuf, mais des recherches historiques ont prouvé le contraire.
C’est à l’église de Saint Germain l’Auxerrois (métro Louvre Rivoli) en face du Louvre que Molière se marie avec une de ses comédiennes, Mademoiselle Béjard. Tony Parker et Eva Longoria ont choisi la même église quatre siècles plus tard pour des noces beaucoup plus médiatisées !
Molière est mort en 1673 au 40 Rue de Richelieu, non loin du Palais Royal et du Théâtre de la Comédie Française. Il avait 51 ans et était épuisé et malade de la tuberculose. Il meurt d’une hémorragie violente dans le poumon après la quatrième représentation du « Malade Imaginaire ».
Sa tombe se trouve au Père Lachaise, un des plus célèbres cimetières de France, où vous trouverez les tombes de nombreuses stars telles que Jim Morrison, Edith Piaf. La chanteuse américaine Cher a même déjà acheté sa concession ! Une très belle promenade à faire dans ce parc-cimetière.
Avant de rendre l’âme, consumé par sa passion du théâtre, Molière a longtemps joué dans la salle de théâtre du Palais Royal à partir de 1660. La troupe de Molière devient Troupe du Roi en 1665, un honneur suprême. La Comédie Française, située au Palais Royal ( métro Palais Royal à Paris), reste le temple de Molière.
Roi le plus puissant d’Europe, Louis XIV est un grand amateur d’art et un stratège très avisé en communication politique. A Versailles, il a conçu un univers centré sur un concept politique, artistique et marketing unique. Versailles est une sorte de parc à thème… centré sur la personne du roi, la monarchie absolue à la française.
Devenu le Roi Soleil, il s’entoure des meilleurs designers et artistes ( Le Nôtre, Le Brun, Lully, Molière…) de son époque pour créer un univers fabuleux : un immense palais, des jardins et des jeux d’eaux merveilleux. Louis XIV s’inspire de la Renaissance italienne mais l’adapte à son goût. Il veut des choses plus épurées où l’Homme domine la Nature comme le roi domine son peuple. Ainsi naît le « style classique à la française ».



Tout est spectacle à Versailles ; encore jeune, le roi n’hésite pas à danser au son de son musicien préféré, Lully, créant les débuts de ce qui deviendra la danse classique. Louis XIV contrôle tout, supervise tout, tel un Walt Disney du XVIIème siècle. Il impose une mode pour les jardins, l‘architecture, la peinture, la musique, le discours et même la mode vestimentaire. Il crée un protocole royal unique où les nobles se battent pour le voir manger, se lever, se coucher, etc. Ces moments de « télé réalité» deviennent des rituels cérémoniels théâtraux incontournables. Ces rituels deviendront oppressants pour les successeurs, Louis XV et Louis XVI et leurs reines.
Considéré « le plus bel homme d’Europe », le Roi Soleil est la plus grande star de son temps : tout le monde veut l’imiter ( perruques, talons bobine, maquillage, etc). Les femmes sont folles de lui. Tous les hommes veulent le copier, notamment le roi Charles II d’Angleterre, qui a grandi en exil à Versailles. A la Restauration anglaise en 1660, Charles II amène le style de Versailles à la Cour d’Angleterre. Les autres cours d’Europe s’inspirent de Versailles et de l’art de vivre français.
NB- Le narcissique roi, repenti de sa jeunesse dissolue, deviendra même puritain après avoir épousé en secret Madame de Maintenon, la nounou de ses premiers enfants. Il révoque l’Edit de Nantes de son grand-père Henri IV en 1685 et persécute sans pitié les Protestants pour les convertir de force au catholicisme. Nombre d’entre eux doivent fuir en Amérique et en Europe du Nord.
Molière, Corneille et Racine sont naturellement les auteurs de théâtre dont a besoin le roi pour divertir sa Cour, une foule de nobles venue de tout le pays, avide de profiter des fastes Versailles. Le roi entend occuper les nobles qui jadis faisaient la guerre à son père Louis XIII et à son grand-père Henri IV. La France s’unifie et se pacifie grandement sous le règne absolu et centralisé du Roi-Soleil.
Si Corneille et Racine présentent des pièces inspirées de mythes grecs ou des grands personnages de l’Histoire ancienne ( Le Cid, Britannicus, Antigone, etc.), Molière choisit des thèmes contemporains audacieux où il dénonce les travers de son époque, de façon satirique et forcément impertinente.
Féministe, il dénonce dans ses pièces le destin de femmes intelligentes et vives, promises trop jeunes à des hommes vieux et obtus ( des barbons) dans plusieurs pièces comme « L’Ecole des Femmes » ou « Les Femmes savantes ».
Il se moque d’un bourgeois qui veut devenir noble et qui se paie des cours de maintien et de protocole dans « Le Bourgeois Gentilhomme ». Il se moque aussi de tous les snobismes ( sociaux, religieux, langagiers) et de l’hypocrisie de son époque dans « Les Précieuses Ridicules » ou « Tartuffe ». En français, un tartuffe est une personne fausse, hypocrite et vaniteuse.
Ses comédies sont souvent des satires féroces de personnages réels de l’époque, ce qui suscite polémique et rumeurs au sein de la Cour qui rit beaucoup mais parfois le craint voire le déteste. Le clergé le trouve souvent impur et obscène. Molière reste cependant protégé par le roi, très amusé par ces satires. Il dépend cependant en permanence de l’aval du roi pour garder le droit de jouer et obtenir des financements.
Dans « Le Misanthrope », il oppose un personnage solitaire, grave et sérieux, Alceste, à Célimène, une femme mondaine, frivole comme celles que l’on voit rire et danser à la Cour de Versailles.
Dans « L’Avare », Harpagon est un personnage comique qui symbolise toute l’avarice et la cupidité du monde. Louis de Funès lui a donné vie dans un célèbre film de cinéma.


« Le Malade Imaginaire »
se moque des apothicaires (ancêtres des pharmaciens et des médecins) , ces gourous ignorants qu’un riche malade hypocondriaque croit sans limites au point de vouloir marier sa fille avec l’un d’eux.
Les pièces de Molière incluaient des intermèdes musicaux et des danses mais elles n’étaient pas que des divertissements déclinés de la commedia dell arte italienne. Molière aime à dénoncer les pouvoirs abusifs et tous leurs corollaires : les snobismes, les hypocrisies, les escroqueries et les injustices. Il dénonce aussi bien les menteurs que les crédules, des vaniteux incultes avides d’honneurs et de plaisirs faciles. En ce sens, il va plus loin que nul autre auteur de son époque. D’une certaine façon, il dénonce le système mis en place par son propre mécène Louis XIV pour contenir les nobles en les berçant d’honneurs et de fêtes à Versailles !
Molière reste un grand auteur visionnaire, un auteur qui a su faire preuve d’une audace intemporelle, défendant les opprimés, les pauvres et les gens honnêtes. Ses pièces mettent en valeur des héros raisonnables et sincères. On parle de l’idéal de l’honnête homme, un concept qu’on retrouve dans la littérature classique du XVIIème siècle.
Diplomate, ayant le sens du relationnel, Molière a réussi à développer son œuvre et sa vision artistique tout en abordant des sujets politiquement sensibles à son époque, qui plus est sous un régime dictatorial de monarchie absolue, un exploit unique. Un stress qui nuira à sa santé…
Shakespeare et Molière ont donc certaines choses en commun, le sens de la comédie, de la satire cachée de personnages réels contemporains, un humour mordant. Comme par hasard, le même genre de polémique persiste sur la réalité de leur talent littéraire. En effet, certains experts affirment que Molière n’a pas écrit ses pièces ou a été aidé par son ami Corneille. Aucune preuve tangible n’a pu étayer cette hypothèse. Molière était aussi metteur en scène et acteur ; il créait ses pièces en grande partie en les répétant. Il reste à ce jour l’auteur officiel de ses œuvres.
Pour mieux savourer Molière, rien de tel que de relire une de ses pièces, mais pourquoi pas un film ? Molière a été traduit dans toutes les langues et adapté au cinéma.
Il a été incarné par Romain Duris dans « Molière » ( 2007), un film qui raconte ses débuts.

Sophie Marceau a elle été Mademoiselle du Parc en 1997 dans « Marquise » de Vera Belmont. Danseuse de rue, elle devient actrice dans la compagnie de Molière, et deviendra la première grande comédienne star française (bien avant Sarah Bernhard) , imposant son art dramatique, plus moderne, plus en nuances, plus en émotion et en élégance. Elle jouera aussi bien des comédies de Molière que des tragédies de Racine.
La prochaine fois que vous passerez par le Palais Royal à Paris et ses colonnes de Buren, et la Comédie Française, ayez donc une pensée pour Molière et sa troupe !
Article rédigé par Laurence Kam-Thong, coach et formatrice chez France Madrid (Innoveria Coaching)
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